Jour 9 - vers Trinidad

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Une journée de transition nous attends. Nous partons de Playa Larga pour Trinidad avec des étapes balades sur le trajet, aux alentours de Playa Gijon. Le taxi est cette fois d'un modèle différent, avec des banquettes face à face à l'arrière, style transport de troupe (ou de bétail). Les valises sont ficelées sur le toit. Bien entendu, ayant perçu un air de famille avec el commandante Che Guevara sur mon visage, j'ai le droit de ne pas me mélanger à la plèbe et effectue le trajet devant avec le chauffeur. Je prends mon air le plus fier, bombe le torse et essaye de garder un regard lointain, vers des lendemain qui chantent, pour parfaire l'illusion. Je suis sûr que les gens auraient vraiment cru à une résurrection du Che si je n'avais pas dû m'enrouler dans une serviette rose fluo afin de m'abriter du soleil.

Le tour guidé en forêt nous amène de cenote et cenote, ces espèces de trous d'eau de grotte, vraiment magnifiques. On se baigne et on plonge dans l'un d'eux à partir de rocher en hauteur, partageant l'eau avec les poissons-crocodiles. Il y a quelques gros crabes, des rouges qui ne se mangent pas et des blancs qui se mangent. Il y a des moustiques, qui ne se mangent pas, mais qui mangent. Des termitières géantes autour de troncs, des epiphytes partout. Célia décide d'exterminer la forêt en emportant une dizaine de tonnes de graines et de plantes diverses. On termine dans une toute petite grotte dans laquelle on essaye de garder un silence absolu pour ne pas effrayer les chauves-souris suspendues à l'envers au plafond, à quelques centimètres de nous (nous n'avons pas grandi, c'est le plafond qui est bas). Les chauves-souris ont une corne, peut être s'agit il de rhinocéros réincarnés. Comme mon mauvais espagnol ne me permet pas de demander, cela restera une énigme.

La balade terminée, on repart en traversant des campos de frigoles, mango, pl\u00e1tano, de caña de az\u00facar (pour el ron !). La route s'améliore par moment, cela est indiqué par le panneau interdit aux calèches. Depuis le début, il n'y a quasiment jamais de panneaux publicitaires, seuls des "hasta la victoria siempre" et autres "patria o muerte" rappelle la prise de la bastille (je crois). Visiblement, il s'est également passé toute une série d'événements marquants, impliquant divers protagonistes, dont un certain Fidel, proche d'un père Noël me semble t'il avec sa barbe, et un autre, el Che, souvent représenté plus jeune et cigare aux lèvres sur l'imagier gouvernemental, dont je pense qu'il est l'acteur local d'Hannibal dans l'agence tout risque. Il semblerait qu'il y ait également eu une embrouille avec des américains sans gènes qui voulaient se baigner dans la baie des cochons mais n'avaient pas demandé la permission. Depuis ça boude un peu. N'ayant pas d'accès à Wikipedia pour valider ou infirmer mes théories, je m'en tiendrais pour l'instant à ces conjectures.

On passe rapidement à Cienfuegos, qui semble sympathique, mais c'est une étape rapide avant de repartir

Trinidad ! Assez rapidement, on change de dimension. Les rues sont très vivantes et extraordinairement colorées. Le principe du Plan Local d'Urbanisme concernant les coloris d'un bâtiment est le suivant : vous regardez les teintes du bâtiment à droite, les teintes du bâtiment à gauche, et vous choisissez deux couleurs les plus vives possible qui n'ont rien à voir avec les voisines. Le nombre de couleurs vives est incroyable, je me demande même si certaines sont réellement autorisées par les ophtalmologistes. Peut-on penser à une couleur qui n'existe pas demande Margot ? Je suis un pauvre père, je ne sais pas répondre. L'ensemble est sous un soleil bien éclatant et un grand ciel bleu. Il s'agit en réalité d'une stratégie savante du gouvernent (le père noël sus mentionné). En effet, les couleurs et les contrastes de lumière et d'ombre, bien que photogéniques au possible, sont spécialement étudiés pour prendre en défaut les appareils photographiques mis au point par les ingénieurs américains de la Silicon Valley. Les photos ne rendent absolument pas justice à l'ambiance. C'est ainsi, lorsque le Cubain boude l'Américain, il ne le fait pas à moitié.

Les bâtiments n'ont en général pas d'étages mais sont hauts de plafond, on voit parfois du bord du trottoir de grandes pièces, avec quelques meubles coloniaux, et d'immanquables fauteuils à bascule. Ces fauteuils étaient, à la campagne, sur toutes les terrasses des casa, et se retrouvent ici en ville dans les salons que l'on perçoit par les fenêtres sans vitre mais avec barreaux. Il y a ici une véritable science de la bascule, probablement enseignée à l'université, afin qu'elle soit à la fois douce mais continue, légèrement plongeante vers l'avant, à la limite du point où on se demande si la bascule ne va pas passer du fauteuil à l'hôte, et large à l'arrière pour parvenir à une position quasi allongée. Des petites cales discrètes sous les patins sécurisent l'ensemble pour éviter un retournement. Les vieux à cigare sont parmi les champions de monde du fauteuil à bascule, je crois que c'est eux qui ont gagné les derniers jeux olympiques. A titre plus personnel, j'ai un peu de mal, je manque de poids et, même bien engoncé, je bascule toujours trop vers l'avant. La vie est vraiment mal faite.

Je n'ai pas encore décrit notre hôtel, recommandé par notre pote Basto que nous avions envoyé en éclaireur auparavant avec mission de nous indiquer les bons plans. Nous ne lui avions cependant pas demandé de tester tous les Mojitos du coin, mais il n'en a fait qu'à sa tête. La porte d'entrée ne paye pas de mine, pauvre porte bleue au milieu d'une rue, mais il s'agit en fait plus d'un hôtel à maman que d'un hôtel à papa (référence pour ceux qui auraient suivi la Thaïlande). C'est spacieux, pleins de niveaux, de coins et de recoins, ultra coloré, avec un petit bassin baignable à l'arrière. Grand luxe. On change de level ici, Ricardo qui nous accueille très gentiment parle parfaitement l'anglais et nous décrit le fonctionnement et les possibilités du coin.

La soirée nous fait découvrir Trinidad by night avec une ambiance et de superbes couleurs partout. On se choisit un resto qui fait moins touristique que les autres aux alentours. Le gars qui nous accueille est super surpris de nous voir et restera ahuris toute la soirée. Le service est, disons, contrôlé, c'est à dire sans précipitation intempestive. Clem a ainsi tout le temps de faire une bonne heure et demie de sieste la tête dans ses bras posés sur la table avant qu'on soit servis.

  (Note: toutes les photos sont visibles sur ce lien ...)

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