Jour 10 - Trinidad

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Journée pause aujourd'hui, on se lève un brin plus tard et partons nous perdre dans les ruelles colorées de la vieille ville. C'est un mélange de décors pour touristes avec les indispensables boutiques de souvenirs mais avec une vie locale bien réelle. On croise, au détour des murs colorés, des classes d'école primaire que l'on dirait tirées des années 50, des gars qui vendent des sortes de casse-dalle par la fenêtre de leur cuisine (jamais de vitre ici), une boucherie à moitié pleine d'une unique sorte de cochon, quelques rares magasins avec trois ventilateurs, des brosses et quelques gobelets, le Darty local.

On se met à la recherche de bouteilles d'eau, mais c'est un petit challenge, ni Darty, ni la Fnac du coin n'en ont. Lorsqu'on demande, les gens disent qu'ils ne savent pas. Je trouve finalement un pack d'eau un peu par hasard dans une maison de ville dont le salon a été transformé en boutique, avec un comptoir, vendant des bibelots et des cartes. On ne trouvera que bien plus tard l'équivalent de l'hypermarché Auchan fournisseur d'eau, de rhum et de biscuits au citron. Je m'empresse de le géolocaliser pour une éventuelle utilisation future. Fier de mon exploit, je ramène le pack d'eau aux filles devant leurs regards admiratifs de tant d'ingéniosité.

Cedric a, de son côté, une tâche beaucoup plus difficile. Il doit ramener Internet. D'abord, Internet ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval. D'une part, ça se saurait, et d'autre part nous l'aurions déjà probablement trouvé tant il y a de chevaux. En Europe il y a 100 ans, avoir un cheval était courant et avoir une voiture l'apanage des riches, aujourd'hui c'est le contraire. Ici, les deux cohabitent. Bref, Internet se trouve en réalité entreposé sur le coin d'une place, en témoigne des grappes de jeunes gens, probablement délinquants (car le jeune est délinquant, c'est bien connu), le nez collé dans leur smartphone. J'en vois certains d'entre eux tirer la langue les yeux rivés à l'écran, certain secouent de temps en temps l'ustensile pour permettre à Internet de mieux entrer dedans. Nous avons bien identifié le lieu, certes, mais il manque encore la clé pour entrer dans Internet. Et cette clé, ce sésame, c'est dans un bâtiment nommée ETCSA (traduction: PTT) que nous devons aller la quérir. C'est un lieu public, de l'administration étatique, semble t'il, alors un certain respect est de mise. Un attroupement s'est formé à la porte. La file d'attente est à la cubaine, c'est à dire en croix, ou en rond, voir parfois en décaèdre régulier. Cédric est malin et arrive très rapidement, moins de 15 minutes après notre arrivée, dans le hall d'attente. Je l'observe de l'extérieur, ne voulant pas risquer l'harmonie de l'administration en marche. Différents guichets un peu impressionnant font face à des rangées de chaises permettant aux futurs acquéreurs d'attendre poliment leur tour. L'efficacité est de mise ici et moins de 45 minutes plus tard, le guichet est accessible. La représentante de l'état indique que chacune des trois cartes, à un CUC chacune (environ 0.9€), vont nous ouvrir l'Internet tout entier pendant 1 heure complète chacune ! Un grain de sel imprévu manque de faire effondrer le fragile édifice qu'il a fallu construire pour presque atteindre l'Internet. Il faut en effet les passeports pour obtenir les cartes, et ceux-ci sont restés à la casa. Heureusement, le permis de conduire fait office de laisser-passer, et les cartes peuvent enfin être délivrées, une à une, une fois tout un tas d'informations importantes notées dans le petit cahier administratif.

Une fois dehors avec l'Internet dans nos main, nous nous apercevons que des vendeurs nous proposent ses fameuses cartes à tout les coins de rues (pour le double de la somme cependant). Les filles se jettent sur leur téléphone pour prendre une goulée d'Internet, à tour de rôle, respirant leur écran comme si elles dégustaient des fraises. Fraises avec des noyaux tout de même (c'est une parabole hein) car, soyons franc, la vitesse et la qualité de la connexion ne pourra que s'améliorer dans les années à venir. Je parviens de mon côté à publier deux ou trois textes et envoyer un mail.

En fin d'après-midi, les couleurs explosent vraiment à la lumière du couché du soleil. On monte dans une sorte de clocher nous permettant d'avoir une vue indescriptible, que je ne décrirais pas. Environ 800 millions de photos sont prises.

Retour pour une discussion avec notre pote anglophone Ricardo pour essayer de convenir du plan balade du lendemain (le dernier). Il est très attentif et accessible mais c'est moins simple que prévu car visiblement, l'excursion à Topes de Collantes est plus ou moins monopolisée par des "agences" emmenant les touristes dans des camions russes de transports de troupe, pour des prix prohibitifs. On souhaite y aller plus tôt pour éviter le monde. Il nous conseille sur plusieurs points, avec de bons arguments, nous incite à aller discuter avec les gars des rues qui interpellent les touristes régulièrement pour proposer taxi ou excursion en tout genre. Il nous expliquera également un peu plus tard l'organisation des taxis collectivo qui d'après lui appartiennent tous plus ou moins au même réseau, avec des rabatteurs à tous les coins de rues et une organisation un peu obscure. Également, la location de voiture est très chère et les bus un peu rigides (peu d'horaire, retards etc). Au fur et à mesure des explications et de nos questions, on sent une petite amertume qui monte et il finit par lâcher un touchant "Cuba is hell". Sur le moment on en rigole bien sûr, mais ça rappelle clairement que le Cuba romantique ne l'est qu'en surface pour les touristes.

On repart le soir avec un double objectif, se nourrir, ça c'est plutôt facile, et trouver un rabatteur de rue pouvant nous conduire à Topes, et ça, c'est pas encore gagné. En effet, lorsqu'on ne les cherche pas, les rabatteurs sont partout et nous interpellent toutes les trente secondes. Par contre, quand on veut les voir, ces petits facétieux se cachent. Le Cubain est joueur. On finit quand même par trouver un pépé fringuant qui ressemble un peu au chanteur de compay secundo et nous propose "taxi señor ?", assis sur un banc avec un pote à lui, affalé à côté. Quand il comprend que nous souhaitons un véhicule pour la montagne (900 mètres d'altitude tout de même), il nous désigne un autre banc et nous fait signer de nous assoir le temps qu'il ramène quelqu'un. On attend un petit moment, peut-être un quart d'heure, puis indiquons à son amigo resté sur le banc que nous aller manger et qu'on reviendra dans une heure ou une heure trente. Cela ne l'émeut guère et il nous fait comprendre qu'il sera là. Ça ne m'étonnerais pas, qu'à l'heure actuelle, il soit encore sur le banc tant il donnait l'impression d'être cloué. On rejoint alors les autres au resto deux rues plus loin.

Un peu plus tard, nous n'avions qu'à peine entamé la quatorzième tournée de Mojitos que le pépé et un nouveau collègue nous repère de la rue et nous font signe. Ils nous ont cherché et sont heureux de nous avoir retrouvé. Nous sommes maintenant rompus aux négoces et connaissons les ordres de grandeurs des prix, on parvient donc à un accord rapide (un win-win aurait dit un américain s'il pouvait venir ici). Finalement, c'est peut-être ça le secret des bonnes affaires à Cuba: tu restes assis à boire des Mojitos. 

 (Note: toutes les photos sont visibles sur ce lien ...)

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