Jour 12 - Trinidad-La Havane

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On retrouve au petit matin una coche devant la porte de l'hôtel censée nous conduire jusqu'à La Havane, en 4-5 heures environ. La voiture est grande mais le chauffeur se décompose petit à petit lorsqu'il voit les valises et le nombre de personnes. Nous comptons les places et les appréciations Cubain et Français divergent un peu. Le français compte étriqué, il a une vision restreinte de l'espace et ne se projette pas. 6 places affirme t'il, c'est un petit joueur. Le Cubain est plus ample dans ces considérations spatiales, il englobe les banquettes et ouvre l'horizon. Il voit grand. Largement 9 affirme t'il, 4 par là, 3 ici et même au moins 3 autres par ici. Les bagages seront également à leur aise, cette valise peut rentrer dans la boîte à gants, cet énorme sac dans le vide poche, ce sac à dos dans le cendrier. Je suis pour ma part un brin subjugué et convaincu par l'argumentaire mais le reste du groupe est bloqué, no encaja. Arrive alors notre jeune pote de la veille, celui avec la copine d'Annecy, qui se met à manœuvrer les pauvres chauffeurs à la baguette et nous explique qu'une autre voiture arrive d'ici 5 minutes. Les deux voitures sont prêtes et la place est suffisante cette fois.

Une fois dans notre voiture, c'est le luxe absolu ! Une Peugeot 504 (frances !) de 1983, un bond dans le temps. Bon, le moteur a été changé, ainsi que la boîte de vitesse, ce sont des Hyundai. Il n'y a toujours pas de ceinture de sécurité, mais refinement suprême: il y a une clim ! Elle a été montée au plafond et coule un peu sur mes pieds à l'avant mais c'est quand même la grande classe. On laisse quand même deux mois de salaire moyen par voiture (120 CUC, 110€ pour 4/5 heures de routes). Nous saluons nos hôtes à qui nous promettons de bons avis sur booking et tripadvisor aussi.

Le trajet est plutôt serein sur les sensations tactiles (des cahots mais on est habitués), odorantes (peu d'odeur de gasoil, environ 1000 fois moins que les Lada), visuelles (vitre teintées avec des autocollants). Le seul côté à retravailler et celui lié à l'audition. Le moteur est correctement sonore, bien moins qu'un A380 (par comparaison la Lada égale le bruit d'un A380 mais au décollage), mais c'est surtout que notre chauffeur, au demeurant très sympa et souriant, décroche régulièrement son téléphone. Dès la connection établie, il se mets brusquement à hurler nous décollant instantanément un tympan. La première fois ça fait drôle, mais les suivantes sont juste angoissantes car on sait d'avance que les tympans vont exploser. A mi-chemin, nous nous arrêtons pour prendre de l'essence, et la station service est particulière. La voiture sort de l'autoroute et s'engage dans un chemin qui longe un ferme miteuse. Il y a des poules partout (mais on les manque en passant), des chiens qui aboient. Un gars arrive se dirige vers son gros tracteur auquel il manque une roue et entreprend de vidanger l'essence de son réservoir dans un gros jerrican. Il revient vers notre voiture avec le dit jerrican et un entonnoir pour nous faire le plein, moteur allumé. C'est du mercado negro nous expliquera t'il.

Comme si c'était indiqué sur mon front, le chauffeur m'a détecté geek et me tend son téléphone et me demandant de faire fonctionner quelque chose, nécessitant d'après lui le Bluetooth (prononcé à l'espagnole, ça vaut le jus). Il s'agit d'une application de suivit GPS que l'on peut mettre en mode voiture pour avoir la vitesse instantanée. Je bataille un moment avec les menus de cette version d'Android, en espagnol, qui date de 1863 et parviens finalement à activer le GPS pour obtenir la fameuse vitesse, représentée par un cadran automobile à aiguille. Le pilote est ravis, il a enfin un compteur. Je suis moins ravis car il pose le téléphone entre nous à côté du frein à main et passe son temps à mater le compteur pour voir si c'est juste, quittant la route des yeux de longues secondes.

On est pote maintenant. Un peu plus tard, proche de La Havane, il recommence à hurler dans son téléphone un peu plus fréquemment qu'auparavant. Je cherche un mouchoir pour éponger mes oreilles qui saignent lorsqu'il me donne son téléphone et une facturette, et me demande de faire quelque chose. Bien entendu, je ne comprend rien. Il s'en suit alors un dialogue monumental dans lequel je m'efforce d'inventer des tâches diverses tandis qu'il m'incite de plus en plus fort à faire ce putain de truc pas compliqué, qu'ils sont cons ces touristes tout de même. Comme il me reprend des mains le téléphone toute les deux secondes pour répéter les mêmes consignes, j'ai du mal à me concentrer ni même à lire ce qui est indiqué sur le mobile. Il insiste pour que j'écrive sur la facturette un numéro qu'il me dicte. Tout cela en zigzagant au milieu de l'autoroute, j'ai beau essayer de lui indiquer qu'on pourrait se garer pour régler ça calmement, ça ne fonctionne pas. Les histoires d'hommes se règlent au volant. Je comprend finalement qu'il faut envoyer un numéro de téléphone par message (mensaje) à un collègue dont il a noté le numéro sur la facturette. Je passe les détails (plusieurs numéros différents, des indicatifs qu'il faut ou ne faut pas noter, etc) et on parvient finalement à effectuer cet envoi de sms, je transpire un peu. Je ne m'en suis pas sorti comme un chef, un chef aurait demandé d'effectuer l'opération à quelque d'autre. L'épisode se termine par de grandes effusions, tapes dans les mains et échanges de satisfaction sonores pendant sur les filles à l'arrière sont écroulées.

Arrivés à l'hôtel-casa à La Havane en début d'après-midi, on pose bagages et affaires et partons balader dans les rues. Les premières sont dignes de bidon-ville à ciel ouvert, les minuscules trottoirs le long des bâtiments sont encore plus défoncés que le bitume, large d'une voie et demie environ ; ça circule pas mal, vélo-taxi calèche, voitures, scooter, quelques vélos, des chiens, des vendeurs avec une cariole minuscule aux carrefours. C'est très vivant avec beaucoup de monde qui marche et parle fort, la chaleur est montée, l'odeur de merde bien présente de temps en temps, des détritus, des containers débordants, des flaques de liquide non identifié. De temps en temps, de minuscule échoppes ou vendeurs de snack, sales, avec une chaleur accentuée par la proximité, des ventilateurs déplaçant l'air chaud au gré des rotations, des téléviseurs allumés, de la musique forte au milieu des autres bruits de la rue. Un peu plus haut du regard : des balcons étroits et dégradés, des fils électriques qui volent partout. C'est ... grunge.

Plus loin on arrive au centre touristique qui est plus reluisant, avec des grands hôtels colorés pour riches, des allées type ramblas de Barcelone, des grands cafés, des cabriolets Américains anciens rose, rouge ou vert clinquant. Là, c'est La Havane rêvée, celle du cinéma. On balade aussi dans les rues de la partie plus ancienne, avec également pas mal de touristes et de boutiques/resto/bar associés. J'ai le sentiment un peu étrange d'être une miette de pain ambulante, attirant autour de moi des nuées de rabatteurs-pigeons cherchant absolument à m'attirer, en piaillant, dans un café ou une boutique de souvenirs.

On prendra un dernier Mojito dans un bar un peu classe, attiré par un nième rabatteur mais très drôle celui-là, un noir, grande gigue, qui nous fait danser et chante la France champion du monde ... le foot vous dis-je ! 

 

(Note: les photos sont de basse qualité. Toutes les photos sont visibles sur ce lien...)

 

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