Jour 4 - Bergen

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Au dej, ça attaque sec. Les filles se moquent de Célia qui sème un peu partout des gouttes de thé de son bol. Ça rigole sur son Alzheimer précoce lorsqu'on s'aperçoit que le bol fuit. Pas de bol.

On a lu le blog d'un Norvégien donnant des conseils pour se garer gratuitement et éviter les péages à Bergen (automatiques, par camera, facture directement au loueur). On vise donc un coin un peu éloigné et effectuons les trajets à pieds.

Bergen est bien sympa, un port un peu tarabiscoté avec des maisons très colorées un peu partout. On passe par l'université, en plein centre, avec un magnifique jardin, entouré d'un bâtiment assez grandiose, tout clean. Margot nous demande incidemment comment se passent les Erasmus. En tout cas, c'est autre chose que nos pauvres universités pas toujours bien fichues. Les ruelles sont très sympas avec de belles couleurs de façades, des coins un peu protégés avec des jeux pour enfants, des Teslas à tous les coins de rues. Renseignements pris, il y a des incitations gouvernementales pour les voitures électriques: pas de charge, autoroute gratuite, bornes électriques gratuites à disposition un peu partout, voies bus/taxi autorisées, etc. Les filles me somment d'en acheter une en rentrant. Comme elles ne sont pas d'accord, les unes préfèrent le modèle X assez grand, les autres le modèle S avec un toit panoramique, je décide de n'en rien faire. Non mais.

Nous nous rendons vers le quai quai (en fait le quai de Bryggen mais Bryggen signifie quai ; sont pas très malin ces vikings d'appeler un quai quai). Sur le chemin, on passe par le marché aux poissons et sea foods dans lequel on nous exhibe d'énormes snow crabs, d'environ 3 à 4 kilos, d'après le dompteur. Ce dernier en attrape un par deux des gigantesques pattes, éloignant simplement les pinces, petites et visiblement peu menaçantes. Les pattes sont par contre bien pointues et griffent dès que quelque chose passe à portée. On n'en achètera finalement pas, j'ai des doutes que cela aille bien avec les Vasas.

On prend ensuite le Floybane, funiculaire vertigineux qui nous emmène dans une forêt surplombant la ville. La vue est superbe, mais ce n'est pas comme dans les ports dont on a l'habitude. Là, les fjords partent dans tous les sens, entrecoupés de montagnes. On ne sait pas bien où est l'horizon auquel on s'attend dans un port. D'énormes bateaux sont amarrés dans différents coins, il y a également un immenses trois mâts. Sur la place-belvédère, un panneau indique les directions et distances des principales villes du monde. On poursuit un peu la balade dans la forêt-parc adjacente, ultra verte et moussue comme de bien entendu.

Le vert moussu a une explication simple et rationnelle. Nous avions cru, au début, en lisant les retours des voyageurs, que Bergen était la ville la plus pluvieuse du monde, et que la pluie nous accompagnerait donc de temps en temps. Mais en réalité, les averses ne durent en général qu'une quinzaine de minutes environ. Elles reviennent néanmoins à peu prêt tous les quarts d'heure. Des bouts de soleil font quand même leur apparition à intervalles irréguliers, modifiant les couleurs et les perceptions. On ne s'en sort finalement pas si mal que ça, squattant au bon moment un petit kiosque en bois brut pour le rituel vasa-cheddar du midi. On se console un peu plus tard avec de grosses gaufres chantilly chocolat (Belge, on ne consommera rien de Norvégien ici, on ne sait jamais). De bon goût, les mouettes et les choucas lorgnent les gaufres alors que les vasa-cheddar étaient superbement ignorés.

On retourne ensuite à la voiture après une bonne heure de marche sous la pluie, le ciel ayant décidé qu'on ne pouvait plus se moquer impunément de lui. Ironiquement, une fois à la voiture, le retour dans notre bled paumé de Klokkarvik se fait sous un beau soleil d'après pluie, avec luminosité d'arc-en-ciel.

On pose les filles un brin fourbues et essayons d'aller trouver des bords de mer accessibles. C'est pas évident. Il y a un entrelacs de minuscules routes serpentant dans les vallons côtiers avec de multiples criques ou mini fjord dans lesquels se trouvent régulièrement de grands hagards en bois servant d'abris pour les bateaux, au pied de vagues pontons , les berges gorgées de salicorne (et pas de sales licornes). La côte est parsemée d'immenses maisons familiales, en bois, souvent peinte en rouge ocre Norvégien, toit de tuiles noires vernies, devant des jardins non délimités, composés de blocs de gazon bien vert et entrecoupés de roches noires ou grises sombres, le tout sur un fond bleu-gris de ciel et de mer. La taille des maisons, souvent 1 ou 2 étages, impressionne, peut-être 400m2 en moyenne. En général, il y a de grandes baies vitrées tournées vers la mer, avec de belles terrasses, là aussi sans balustrade. Souvent une hampe d'une dizaine de mètres de haut fait claquer le drapeau rouge bleu blanc de la Norvège. On sent le viking avide de plénitude et de grands espaces. On l'imagine les soirs d'hivers bien sombres, seul sur sa terrasse, le regard au loin sur l'horizon bouché, la baie vitrée bien fermée derrière lui pour ne pas entendre les gosses qui hurlent les haches à la main, la barbe drue dégoulinant d'embrun, en train de siroter un akavit ou un glögg dans un crâne évidé. Je brode un brin, j'avoue, car le Norvégien semble discret, nous ne sommes pas vraiment parvenu à nouer conversation pour le moment.

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