Jour 3 - Tortugero

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La nuit se passait pourtant bien, tranquille, bercés par les bruits de la jungle. Et puis, ça a commencé à grogner vers 5h du mat. Mais grogner vraiment grave. Des gros grondements gutturaux, espacés de quelques secondes, un peu lancinants. Dans la nuit, les sons n’ont pas le même goût. Ça dure, alors on se lève et on s’avance sur la terrasse surplombant le petit pont à l’entrée de l’hôtel, en lisière de forêt. Et là, le miracle : un punaise de gros jaguar au milieu du chemin ! Tranquille comme Baptiste, pénard comme Bernard, le gros matou est posé, regardant dans notre direction. Il est à 20 mètres environ. On est un peu en hauteur alors on est vaguement rassurés. Mais juste vaguement, “téma la taille des pattes” aurait dit la Margot. La queue tachetées paraît aussi large qu’une grosse corde d’amarre de bateau. Il prend bien son temps de mater de droite et de gauche, lentement, les moustaches frétillantes. Lève pas la tête gros ! C’est un peu épais tout de même comme chat, ça ne ressemble qu’assez vaguement à Grillotte qui pourtant se pose la question poids. Disons que s’il bondit on a large le temps de s’enfermer dans les chambres. Enfin, je crois. Je laisse tout de même les autres légèrement devant et me recule lentement, disons pour, heu, bien assurer leurs arrières. On va pas se le cacher, ça a beau être 5h du mat, on fait quand même un petit barouf à chuchoter tous excités en se montrant mutuellement les mêmes choses, les yeux rivés sur la bestiole, le cerveau pas très clair sur la conduite à tenir. Au bout de quelques minutes, hop, le félin en a marre de nous et se carapate rapidement vers la forêt. Le bazard attire aussi nos voisins de paliers, des Suisses-Allemands bien sympathiques. On leur décrit la situation avec force exclamation les yeux encore brillants. Vu qu’on ne voit plus le jaguar, chacun imagine un subterfuge pour le faire revenir. Je propose d’envoyer un petit enfant en bas, ça permettrait tout de même d’avoir tous des chouettes photos. La proposition est pourtant fraîchement accueillie, tant pis. Entre temps, le soleil commence à se lever, l’aube permet de mieux distinguer le lieu, les arbres avec les singes qui s’excitent. Un autre gars, à l’étage du dessous sort de sa chambre et se dirige prestement vers l’ancienne place du fauve. Chouette me dis-je, là on va rigoler un brin. Je lui fais de grands gestes: “avancez, avancez encore un peu, ça va être cool !”. J’essaye de l’encourager à rejoindre l’animal. Mais finalement, il se méprend et reviens vers nous. En vrai, on rediscutera avec lui et sa femme, des allemands, plus tard dans la journée. Ils n’avaient pas capté le minou et voulait juste aller voir les singes. Après avoir réalisé pourquoi on les rappelait, ils voulaient principalement savoir à quelle distance le gars s’était trouvé du jaguar. Moins de 10 mètres pour sur, mais 10 minutes trop tard, la distance temporelle nous ayant privé d’une bonne video TikTok qui auraient pu faire des millions de vus (“a German guy eaten by a jaguar in front of hilarious French families”). Bon, on partage les photos et les vidéos avec tout le monde. Ils sont heureux aussi car ils ont côtoyés de très près ceux qui ont vu le jaguar. On le serait à moins. On raconte encore et encore les sensations et les moments uniques de la rencontre. On comprend également que les gros cris rugueux qui nous ont réveillé étaient en fait ceux des singes hurleurs, perchés très haut dans les arbres, peut être réagissant à la présence de leur copain matou. Je les imagine bien appelant leurs potes : “hey, ramenez vous, y’a Bernard qui vient bouffer du touristes, rappliquez vous fesses, les monkeys, ça va swinguer”. Donc, je résume: on se lève à cause de hurlements qu’on attribuent à tord au jaguar, mais qui sont ceux des singes nous attirant, nous, pour qu’on se fasse bouffer. La nature est bien faite tout de même.

Il n’est pas encore 7am, mais on est chaud patate. On enfile des chaussures et décidons d’aller balader. On se dirige vers l’entrée du parc pour en payer l’entrée et on comprend qu’il faut prendre les tickets par internet. Je vous fais grâce de la procédure, mais disons que c’est pas loin de celle pour activer la carte SIM. On promène ensuite sur le trail du jaguar, un chouette chemin bien dégagé en pleine forêt, bien différente de celle de Tire-Gerbe à Rochetoirin. L’ambiance est proche de celle de predator au Vietnam (pour les vieux qui ont la réf). On voit des singes hurleurs et des gros oiseaux. On se prend des espèces de poires sur la tête balancées par les singes. On traine un peu en attendant que les filles se lèvent, l’ambiance du matin est bien chouette, on sent petit à petit la chaleur monter. Les cris, bruits, sifflements et autre chant du coq (oui) sont en fond sonore. On a l’impression d’être des explorateurs du nouveau monde. On enchaine ensuite à 8:30 avec “bouclette” (Alfonso de son vrai nom) pour la visite de la jungle en canoë. Toute la smala est réunie. Bouclette, s’avère un costaud Costa Ricain, francophone, d’un calme et d’une gentillesse remarquable. Il est également érudit, nous nommant toute la faune et la flore en Français, Espagnol, latin et anglais! Le tour est une incroyable balade dans les méandres de la jungle aquatique. Au bout d’un moment on s’éloigne des sentiers (aquatiques) battus (ramés ?) pour suivre des cours déjà plus étroit, dans une cathédrale de verdure tropicale. C’est tranquille, lent, on se prend à avoir de bons moments de silence pour profiter de l’environnement. On chuchote comme dans une église. Par contre autour de nous ça grouille de partout, sous l’eau, sur l’eau, au bord de l’eau, dans les arbres, au sommet. Je la fais courte: des singes hurleurs et des singes araignés (un petit tip: les singes hurleurs, ben c’est ceux qui hurlent. De rien.), des caimans immobiles à l’œil torve, cachés sur des bois flottés ou sous des entrelacs de racines, des hérons Agami plein de couleur, peu farouches, des basilics dits Jesus-Christ car ils courent sur l’eau, le basilic émeraude d’un vert clair puissant dont le mâle a une grande crête fine sur le dos (on devient pro à reconnaître les femelles des mâles), des hérons tigres, des iguanes par ci par la et régulièrement avachis en altitude au bout de grosses branches, surplombant la rivière et nous faisant caca dessus, des cormorans, des hérons bleus, une loutre, des coups de soleil pile sur le haut des genoux. Trois heures de balade incroyable.

On rentre en début d’aprèm un brin cramé mais les yeux qui brillent. Piscine, casse-dalle, repos. Requinqués, on repart en balade pour terminer le trail du jaguar. On croise encore plein de vie locale, en particulier des Oropendola à queue jaune qui nichent dans de gros sac faits de feuilles our brindilles, suspendu aux branches. Ils crient régulièrement de manière étrange, en plongeant littéralement leur tête en avant tout en écartant les ailes pour contre-balancer, dans une espèce de demi salto avant ultra chelou. C’est stylé, mais on a quand même l’impression qu’ils ont un pet au casque. On croise aussi des vautours et on miment des combats de paresseux car on n’en voit pas. On se retrouve ensuite sous 3 ou 4 gros perroquets multicolores qui gueulent comme des putois et s’attaquent à des espèces de noix dont ils laissent tomber les coques régulièrement. Ils font un barrouf pas possible et on a l’impression qu’ils s’engueulent violemment. On croise de gros machins noirs, qui ressemble un peu aux dodo, avec une crête rigolote et qui se déplace dans les fourrés comme une grosse poule. Le chemin est en parallèle de la plage. On se mange une noix de coco sur le trajet, face à l’océan. On traine un peu et le retour se fait donc à la tombée de la nuit, puis dans la nuit noire, en pleine forêt, avec un jaguar dans le coin … autant dire que le retour est très rapide. On se fait conseiller un petit resto par une famille de Suisses (francophone cette fois), la mama fait parait-il de chouette Gallo Pinto (riz et beans), ce que nous confirmons pleinement.

Pura Vida !! 

 

(Note: toutes les photos sont visibles sur ce lien...)

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